Portrait | Entrepreneuriat / Innovation

Ils font l'histoire #2 - Sarah da Silva Gomes, Constant & Zoé

Le 9 décembre 2020

Si les proverbes sur la réussite éclair, la pluie d’objectifs et le fait de viser la lune monopolisent souvent les tribunes, peu d’entre eux rappellent l’importance d’être constant. Sarah est de celles qui savent qu’un progrès durable ne se dessine pas en un instant.

Si les proverbes sur la réussite éclair, la pluie d’objectifs et le fait de viser la lune monopolisent souvent les tribunes, peu d’entre eux rappellent l’importance d’être constant. Sarah est de celles qui savent qu’un progrès durable ne se dessine pas en un instant.

Grâce à des vêtements qui cachent leurs astuces de prime abord et épousent la pluralité des corps, la dirigeante de cette entreprise de prêt-à-porter a pris le pli pour que le stigmate se transforme en un look qui s’admire et se mate : « Je veux que les personnes handicapées soient swags et fières. Mon ambition, c’est d’insuffler du positif à partir d’un constat qui ne l’est pas vraiment ! Au départ, je ne voulais pas parler de mon histoire ; j’avais envie qu’on me fasse confiance parce que le modèle était sérieux et non par empathie ! » Outre les conseils des mentors qui sont tous capitaux, Constant & Zoé a forgé sa marque au cœur des hôpitaux, là où des gestes qui peuvent sembler anodins entravent parfois tout un quotidien. C’est aussi dans ces couloirs et au chevet de son frère que s’expérimentent des vêtements techniques conçus dans la moindre ligne : « À l’ère du digital, on ressuscite un modèle ancien, en allant monter des corners dans les centres spécialisés, afin d’être au contact des ergothérapeutes, des proches, et d’avoir une bonne compréhension des attentes des différents résidents en situation de handicap que nous rencontrons. Cela nous permet de leur trouver une réponse unique, comme un tissu extensible sous le bras pour faciliter le passage du coude. » Avant d’être une structure qui embauche, le projet à l’état d’ébauche fut précisé à l’occasion de Campus Création. Durant ses études à l’ESDES, le défi est lancé d’imaginer une entreprise fictive : « Je faisais partie du 1 % de bac L à entrer en école de commerce. On peut dire que je me suis bien cherchée, mais j’ai finalement consacré mon mémoire de fin d’année à Constant & Zoé ! Aujourd’hui, une partie de moi sent que c’est l’entreprise de ma vie. Le parcours du créateur de Promod, notre investisseur historique, m’inspire : retraité, il reste au comité de surveillance de ce groupe international qu’il a fondé seul. Moi, dans quarante ans, j’y serai encore ! »

  

La saga de Sarah a croisé celles de « mastodontes » du commerce, de la politique et de la mode, mais avant que la première dame de France et une des égéries Chanel s’en mêlent, avant de rejoindre Tommy Hilfiger à Amsterdam, avant que les levées de fonds ne confèrent la pleine forme à sa société, elle put compter sur l’expertise d’un réseau bien ancré. De quoi « travailler dans le temps » avec des partenaires fidèles, permettant de se dédoubler pour arpenter les villes lorsqu’on est soi-même au champ : « Je faisais tout en simultané. Être accompagnée m’a permis d’accélérer en termes de visibilité, de notoriété. Cela m’a surtout donné une vraie crédibilité pour aller chercher des financements. Sur le papier, mon projet se traînait tous les boulets possibles à la cheville : être une femme, sans associé, dans le vêtement, avec l’enfer du stock et de la perte, et en plus sur un marché de niche… catastrophe ! » Intégrer l’incubateur Manufactory, bénéficier du label Économie Sociale et Solidaire, lui fit goûter à cette « montée en puissance progressive », à la gratitude des familles et des clients qui écrivent – « on reçoit des mots hyper forts pour nous dire à quel point nos vêtements leur changent la vie ! » –, jusqu’à se frayer un chemin sur le plateau de M6, dans l’émission « Qui veut être mon associé ? », pour y déposer un fragment de son histoire : « Notre développement n’est pas tous azimuts : on n’est pas dans la mode rapide ; chez nous, un manteau peut mettre deux ans pour sortir à un prix accessible. Si j’avais créé Constant & Zoé sur un autre bassin économique, je n’aurais pas eu le même parcours. Cet écosystème est tellement soudé que tous les partenaires se connaissent. J’ai vraiment conscience qu’ici, on est très bien lotis. Très, très bien lotis, même. »  La dirigeante continue sa course d’endurance avec une pugnacité inchangée et toujours cette part qu’elle dédie humblement à la chance. Il n’aura fallu que trois mois pour que Constant & Zoé soit présente dans plus de cinquante boutiques ; reste à tripler ce nombre et à inaugurer dans les meilleurs délais un e-shop « tout neuf » : « Il y a certes des difficultés, mais il y a toujours des solutions ; je me dis que j’ai une bonne étoile ! Depuis le début, je ne voulais pas être la sœur qui coud pour quelques personnes. J’ai voulu prendre ma revanche, créer une entreprise qui fonctionne, qui va à l’international et aide un maximum d’aidants. » D’ici à ce que les frontières de l’Hexagone et la barre du million de chiffre d’affaire soient franchies, d’ici à ce que la prochaine collection qu’elle a pensée puisse alléger et panser, Sarah s’en remet à sa notion de durabilité pour choisir parmi les trajectoires dont elle dispose, ravie des belles retombées que vient revêtir sa cause.

Contant & Zoé c'est : 
  • 9 collaborateurs
  • 8500 vêtements vendus
  • 1,3 millions d’euros levés
  • 210 000 euros de CA en 2019

Découvrir Constant & Zoé

Un portrait réalisé par Trafalgar, Maison de Portraits